1972- J’ai 18 ans, et une grosse frénésie de découvertes en tout genre. Musicalement c’est une véritable explosion avec tous les grands groupes anglais et américains même si on trouve difficilement ces derniers au fond de mon désert musical provincial.
Un soir, je passe chez un copain, le mec est très cool, mais tâte un peu trop du chilom, ce qui le met souvent dans une douce béatitude.
Je jette un œil sur les 33T et je tombe sur cette pochette, où au recto un cavalier salue avec son chapeau, une jeune fille au bord d’un chemin, qui lui fait un signe de la main. J’ai lu de superbes critiques et lui demande s’il a écouté l’album
« Bof c’est de la country, t’as vu la pochette ».
« Je te l’achète »
«Pfou cela ne vaut pas 5Frs »
Et je repars avec la pochette totalement décalée dans son époque, qui, en effet, suggère un disque de country & western ou une compilation bon marché pourtant le logo Quicksilver en lettres vertes donne la touche west-coast.
Est-ce simplement un voyageur qui passe son chemin, ou bien l’amant qui s’en va après une escale dans la maison de sa belle que l’on aperçoit au loin, un chasseur de prime chevauchant vers son destin ou une image du Sud d’Autant en Emporte le Vent comme peut le laisser suggérer la robe de la jeune fille ?
Le verso est sobre avec des portraits en noir et blanc du groupe, John Cipollina le guitariste a l’allure d’un aristocrate/dandy du XIXème, Gary Duncan l’autre guitariste nous braque avec un fusil, Greg Elmore le batteur tient également un flingue et ressemble à un trappeur, seul David Freiberg avec son violon nous laisse à penser que ces photos ne sont pas celles d’outlaws mais de musiciens. La première face est une longue suite basée sur Who do you love d’Ellas Mc Daniels (plus connu sous son nom de scène Bo Diddley) mélangée à des morceaux écrits par le groupe, joués en public et en studio. Ce collage restitue à la perfection l’ambiance de l’époque, les solos s’enchaînent puis le thème principal ressurgit, 25 minutes d’intense bonheur. Certes cette longue improvisation est un peu datée, surtout les morceaux écrits par le batteur et le bassiste, mais le « How do you love » de Cipo est superbe, puis la reprise de « Who do you love » se termine dans un final grandiose où les notes s’envolent. Il convient de remarquer que QMS joue avec deux guitaristes solistes, ce qui n’est pas extraordinaire pour l’époque (ABB, Grateful Dead, Fletwood Mac…) par contre il est plus rare que la formation soit aussi réduite (quatre membres). Ce montage donne un spectre sonore plus réduit mais aussi diablement efficace, d’autant que Duncan prend quelques solos superbes et que son jeu de guitare est très différent de celui de Cipollina. La face deux débute par « Mona » toujours de Bo Diddley, superbe introduction batterie/guitare, subtile et fascinante et ces notes de guitares aiguës qui introduisent lentement les paroles. « Maiden of The Cancer Moon » lui succède et est quasiment enchaîné à « Calvary LE joyau du disque, long instrumental de treize minutes où les guitares explosent en solos merveilleux se répondent et puis Cipo tout seul s’envole dans les étoiles. On remarque que c’est Duncan qui a composé quasiment tous les morceaux, Cipollina n’étant que l’interprète virtuose. Le disque se termine par Happy Trails 47secondes acoustiques calme et reposante après le déluge électrique de Calvary; comme un retour aux sources du soldat après la guerre, ou le calme après la tempête. J’ai toujours pensé que si Cipo était né au Moyen-Age il aurait un enlumineur, déployant son art sur les livres remplies de jolies couleurs. Mais il a illuminé de sa flamboyance pendant de trop courtes années la baie de San Francisco, tutoyant merveilleusement les étoiles.
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